Plume d’Éveil, De l’amour (2)

Aimer la vie ?

La question est une affaire de bon sens.

Tout doit passer par la porte de la cohérence.

Ce qui ne peut y passer est bon à jeter.

Il ne s’agit aucunement d’affect, de sentiments ou d’une quelconque philosophie. Et surtout pas de ressentiment !

Lorsqu’on est vivant, on regarde le vivant avec un œil respectueux, ce qui signifie que l’on se positionne de la façon la plus juste. Donc la plus cohérente.

L’amour de la vie ne peut signifier autre chose pour moi.

Le reste est de la romance pour livre de chevet.

*

– La romance ne tient pas en face de la réalité.

Et cela ne sied ni à l’amour, ni à la vie.

C’est une façon de fuir, en brodant.

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– Oui.
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– Mais c’est une vraie question celle-là, car comment vivre sans aimer la vie ?

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– Bien entendu !

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– Et pourtant c’est ce que nous faisons la plupart du temps, dans l’état où nous sommes.
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– Si l’on ne se positionne pas raisonnablement par rapport à ce qui est là, on le condamne à la fois pour soi et pour les autres.
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– Oui, c’est une question de position. Et raisonnablement, encore un mot qui dans ta bouche a une autre signification. Je ne pense pas qu’il s’oppose à l’intensité.
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– L’intensité sans la raison se rapproche de la pathologie. L’intensité qui m’importe surtout est celle de l’attention.

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– Et la raison sans intensité ?

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– La raison sans intensité est creuse. C’est de la philosophie.

Du silence (4)

– Il me semble qu’il y a plusieurs niveaux de silence, comme différents niveaux de conscience.

Il y a un moment où les pensées liées au conflit en soi, au sentiment d’isolement, s’absentent.

L’esprit est calme, plus fort, plus stable. La paix s’installe.

Ensuite vient la fin du bavardage récurrent, celui qui fait commentaire à propos de tout et de rien. Les sens perçoivent des choses que d’ordinaire on ne perçoit pas.

Mais ce silence radio ne semble pas l’ultime stade, il y en a un autre que je sens venir, plus profond, qui toucherait ce qui ne se met pas en mots. Peut-être qu’il concerne l’inconscient ou les modes de fonctionnement.

Est-ce qu’il faut voir là, la preuve qu’il existe des pensées silencieuses ?

Un silence total du mental, cela est-il possible, en dehors de la mort ?

 

– Approche ton oreille de la chair en putréfaction et tu y entendras un chaos sonore, c’est encore de la vie qui travaille, car c’est même travail pour elle de construire ou de défaire.

Dans les états comatiques, beaucoup d’activités mentales, et c’est « pensée » de respirer, et c’est « pensée » que de faire battre le cœur, et encore « pensée » que de filtrer le sang.

Ce serait une erreur je crois, d’appeler « pensée » seulement ce qui lui ressemble, je veux parler du dialogue intérieur. La « pensée » dans on sens élargi, c’est à dire tout ce qui concerne les impulsions électrochimiques, est l’émanation subtile de la « vie » qui se manifeste au creux comme à la surface de toute organisation, de toute « cathédrale cellulaire ».

Je ne parle pas de « niveaux » en ce qui concerne le silence, je qualifie la densité de bruit ou a contrario, la disponibilité de l’espace que je nomme encore « vacuité ».

 

– Des pensées silencieuses, peut-être des « combinaisons » chimiques qui n’apparaissent pas aux « yeux » du « je » ?

 

– Ben voilà, considérons que lorsque ça ne bavarde pas, c’est un bon silence. De toute façon tout ce que nous faisons, c’est juger de la qualité du silence.

Si Dieu existe il ne peut supporter le silence absolu parce qu’il est pire que mort.

Si Dieu existe, la vie est en lui, et en tout. Ce qui est autour est encore lui, cette vie-là précisément ne permettrait pas au silence d’être. Parce que la vie est contraire au silence, parce que le silence est pire que mort. Il est absence de vie !

Mais cela ne se peut, ne s’est jamais pu. La vie, toujours fut là, c’est elle qui accoucha du temps.

En engendrant le temps, elle empêcha définitivement au silence d’exister car celui-ci ne peut exister qu’en dehors du temps.