– Illusion ? Qu’est-ce qu’une illusion ? Quelque chose que l’on croît être et qui n’est pas. Es-tu d’accord avec cette définition ?
– Oui, mais aussi la forme que nos sens perçoivent des choses, ce qui est mental comme une idée, une croyance. Ce qui est mental à l’origine, comme une sensation. Ce qui est mental, comme le fonctionnement des sens. L’illusion est ce que notre mental sait produire.
– Si tu sais cela que tu vois n’est pas le réel en tant que tel, si tu sais que ta perception est erronée parce que partielle, es-tu dans l’illusion ?
Je dis que non, tu n’es plus dans l’illusion. Tu sais que cela n’est pas la réalité, et que tu ne pourras jamais voir cette réalité.
Tu vois juste, bien que par nature dans l’erreur.
– Certes l’illusion est moins dense si tu sais qu’elle est, mais comme tu ne peux pas faire autrement que de te servir de l’illusion que la vie t’accorde à défaut « d’autre chose », et cet « autre chose » que serait-il ?
J’aimerais pouvoir te décrire avec des mots, l’état d’esprit qui est le mien face à ce paradoxe insurmontable. En fait, j’ai cessé de vouloir le surmonter.
Tout pour moi est illusion, parce que rien ne pourra être jamais comme je voudrais le croire, mais cela ne pose aucun problème. C’est le « deal » que la vie nous propose, et maintenant que j’en perçois un peu les finesses, cet état des choses me comble de félicité.
Je souhaite que tu saisisses un jour cela, parce que je te vois dans une bataille sur cette question, j’aimerai pouvoir t’assurer qu’il n’y a lieu d’aucune bataille.
Mais mes mots ne le peuvent pas encore.
– Parlons de notre relation, peu importe le temps qui la fait, mes errances, tes concessions, admettons-là dans ce qu’elle est là, en ce moment. N’est-elle pas illusoire, porteuse d’illusion et donc de mensonges ?
Voilà, c’est ça pour moi, une illusion consentie est un mensonge. Si je te dis que je suis touchée par tes mots, par ta voix, et que ceci comme tout le restant est illusoire, je te mens en te disant ceci. Nous nous berçons alors de douces et amères chimères. Mais dis-tu, cela fait partie du tout.
Misère ! Je me hais, je te hais, je hais la terre entière ! Comment puis-je écrire ces mots ? Ce ne sont que des mots porteurs d’illusion, l’illusion que je pourrais me couper de tout.
– As-tu songé qu’illusion ne signifie ni « chimère », ni « mensonge » ? Elle n’est pas le contraire de « vérité », et que c’est notre volonté seule qui revêt de ces « caractères » les instants réels d’amour, de partage, d’écoute ?
Nos instants sont réels, même s’il réside en eux beaucoup d’illusoire. Ils sont réels.
Et l’amitié que je vis avec toi dans cet « instant relié » est toute aussi réelle que le sang qui coule dans mes veines. Si je me mens à moi-même en disant « je t’aime », je me mens encore quand je dis entendre battre mon cœur. Et qu’entends-je réellement de mon cœur qui bat ? Tout ? Certainement pas ! Mais je m’en fiche, je sais qu’il bat, comme je sais que j’aime, même si j’ignore beaucoup de cet amour que j’ai voulu en moi.