Plume d’Éveil – Des mots (21)

– Tu as dit :

« Une importance cruciale, peut-être que rien ne serait sans eux… ».

Tu répondais à la question :

« Faut-il accorder de l’importance aux mots? »

Rien ne serait sans eux, que veux-tu dire ?

 

– C’est ironique, les humains le croient profondément. Suffit de voir tout ce qu’ils basent sur les mots.

 

– Mais personne n’aura entendu que tu faisais de l’ironie.

 

– Personne n’entend rien de toute façon… (Rires!!)

 

– Dis-moi, n’espères-tu pas malgré tout que quelqu’un entende ? Espérer, n’est pas le mot juste…

 

 – (Sourire), ce n’est pas mon affaire en quelque sorte. Je traîne dans mes chaussures des graines qui finissent par tomber sur le sol. Je ne me retourne pas pour voir si elles ont germé.

 

– Tu vois ces mots ironiques, je les ai entendus autrement. Il me semble que lorsque les mots parlent de plusieurs niveaux ils sont le véhicule de quelque chose d’important.

Et peut-être que sans eux, rien ne serait, en tant que graine à germer.

 

– Oui, ironique ne signifie pas creux ou stérile.

 

– Oui, mais je t’avais posé la question, « pourquoi ? ».

As-tu trouvé cette question inutile, pour me faire cette réponse ?

 

– Une question n’est jamais totalement inutile dame.

 

– Ce n’est pas moi qui te dirais le contraire… (Rires).

Alors il fallait poser l’acte de ne pas s’arrêter aux mots.

Aller au-delà, laisser se dire l’intuition…

 

– Une oreille fine entend la musique même au milieu du chaos.

Des mains délicates devinent l’objet dans son emballage.

Ainsi il faut marcher dans le monde sans se laisser détourner par les apparences et les pensées parasites.

 Voler comme la flèche vers sa cible.

Plume d’Éveil – Des mots (20)

– Je te sens poussé par quelque chose d’une autre nature, d’une autre dimension, d’une autre profondeur.

Comme si tes mots cherchaient à faire écho en moi, à autre chose. Comme si tes silences aussi, allaient dans ce sens.

 

– Tu sens bien, mais comme c’est difficile pour moi de parler de ce qui me pousse en avant.

Peut-être suis-je mu par une force naturelle. Je ne sais pas où je vais, car je ne décide rien, je me laisse porter comme une plume par un vent mystérieux.

Plume d’Éveil – Des mots (19)

Le pouvoir des mots sans doute est de permettre le partage des images qui sont vues au sein de l’esprit.

Nous avons échangé des mots mais plus encore, j’ai essayé de t’offrir les paysages, un coucher de soleil, une rivière au creux d’une vallée, le chant d’une fontaine à laquelle ma bouche va s’abreuver. Ce que j’appelais aussi ma « paix », et je dois te remercier d’avoir voulu de ce partage.

J’ai cheminé et je chemine encore au centre de ma fournaise, observé mes émotions et les chemins qu’elles prennent, leurs sources aussi. J’ai étiré les valeurs qui m’habitaient comme des élastiques et quand tu étires il finit par ne plus rien rester.

Tu ne vois plus que des espaces clairs et vides, comme ces « jours » entre les lettres que je suis entrain d’écrire. J’ai compris que la vérité était là, dans ce vide. Peut-être as-tu ressenti quelque chose de cela ?

Si c’est le cas, c’est bien ton regard qui s’est changé, car tout était là déjà. Je n’ai pas de réponses aux questions, c’est ce que je comprends de ce que me disent les « questionneurs ». Les questions s’effacent d’elles-mêmes, et quand cela se produit, c’est que ‘esprit comprend qu’elles sont futiles et vaines, qu’elles sont le produit de notre pitoyable comédie.

Comme j’ai pu être pitoyable, comme je dois l’être encore sans doute. Nous sommes incapables de nous voir tels que nous sommes dans l’instant, lorsque nous jetons un regard sur nous, nous ne voyons que nos traces dans le passé.

Le paysage qui s’étend devant mes « yeux » est d’une beauté pure et cristalline, tout est rempli de sérénité, même la mort.

La souffrance y est inconnue, parce que la peur en a été chassée. Le vivant parle sans bruit, les sons n’ont une utilité que dans les territoires des prédateurs.

On dit que le verbe est action, mais que sont les mots ?

Ils ne sont pas « verbe ». Ils sont peur et douleur, c’est à dire la paralysie de l’action.

Alors comment continuer à les utiliser sans se tromper ?

Sans tromper l’ami, l’enfant ?

Il y a une dimension qui précède la parole, je veux dire une autre dimension que celle de l’esprit. L’esprit n’est qu’un écran bruyant, cette dimension est le silence de notre chair. Quoi ? La langue n’est-elle pas un muscle fait de chair et de sang ? Lorsque la langue n’est pas activée par la « pensée » elle peut l’être par le corps tout entier, la langue est bien une des extrémités de notre corps. Quel son peut-il sortir des cordes si la guitare ou le violon ne vibre avec elles ? Qu’est-ce qui fait la différence entre un violon ordinaire et un Stradivarius si les cordes sont de la même facture ?

Nous pouvons parler, nous pouvons écrire, mais que l’encre de nos mots soit notre sang, et que notre parole soit quête du plus juste accord de notre corps/instrument.

Dans quelle direction aller ? Quel sens suivre ? Nous avons passé tant de temps à poser ces questions à notre ego que nous n’entendons plus les messages de notre corps. Je sais que c’est difficile, toute une relation à rétablir. Tu vois, c’est là qu’est la compréhension qui ne dépend pas de notre volonté.

Chaque acte que nous faisons, chaque décision, génère une réaction de notre corps, celle-ci est presque imperceptible si l’on ne donne pas l’attention nécessaire. Mais elle est.

L’attention ne signifie pas une attitude tendue, comme celle du chasseur à l’affût. Elle n’est pas ce souffle retenu du chat qui attend la sortie du mulot de son trou. L’attention dans ma langue, c’est la disponibilité, la vacuité.

Plume d’Éveil – Des mots (18)

– Je ne sais comment dire ça, une autre compréhension, qui n’est pas du mental, mais ce n’est pas encore juste de dire ça.

Comme si quelque chose, comme une pression, faisait, par exemple, la rigueur ou l’attention… dans le quotidien, en moi, c’est difficile de l’exprimer…

Mais cela m’a amenée à un constat au sujet des mots que l’on entend.

 

– Oui.

Ils sont comme pétales à la surface de l’eau.

Tout d’abord flottant sur le mental,

Puis ensuite, ils coulent au fond.

C’est la descente de l’esprit.

Est-ce de cela dont tu parles ?

 

 – (Sourire), je suis empêtrée pour expliquer et toi tu as déjà compris, oui c’est ça !

Tu appelles ça descente de l’esprit…

 

– Oui, le pouvoir des mots n’est pas en ce qu’ils charrient mais en ce qu’ils ne charrient pas.

Ils doivent être légers, flotter quelques temps.

Mais s’ils ne flottent pas assez, ils tombent trop bas et ne serviront pas la personne.

Ils serviront peut-être ses descendants, mais pas elle.

 

– Je comprends sans comprendre ce que tu dis là, flotter…

 

– C’est la résistance de l’esprit qui les fait flotter celle-ci déterminera la suite.

Trop de résistance n’est pas bon, et pas assez non plus.

Encore une histoire de modération !!

 

– Oui, mais décide-t-on de cela ?

Je ne le crois pas…

Plume d’Éveil – Des mots (17)

– Alors nous ne pouvons parler que de routes et d’outils, rien d’intéressant quoi !

 

– (Rires!!), je ne suis pas d’accord !

Mais je t’ai déjà dit ce que je pensais. « Parler sacré », toujours, même en croisant ta voisine au sortir de la boulangerie.

Parler sacré, c’est dire un mot en le chargeant comme un bateau, quittant le port qui est notre cœur.

Un bateau qui voguera sur la mer de l’inconscience, la nôtre, la leur, celle de tous, car nos inconscients forment un grand océan.

Ce bateau est un phare voguant et partout où il passe, tout ce qu’il touche ne demeure plus dans le noir.

Plume d’Éveil – Des mots (15)

– Longtemps je t’ai écouté comme enfant je lisais des histoires merveilleuses, celles qui me parlaient de ce que je ne trouvais pas dans mon entourage. L’enfant a renoncé à ce que cela soit possible, c’est étrange de découvrir ça… parce qu’aussi elle ne s’est jamais soumise. Elle est entrée dans une sorte de désespérance révoltée.

Et puis voilà que ces mots répétés inlassablement, enfin presque… (sourire), touchent en moi quelque chose de vivant, vibrant sous la peau.

Alors, ce matin, pour toi, toi par lequel, dans lequel nous partageons tant de choses :

 

Non pas qu’ils montrent

Une lune lointaine

Ces mots-là

Touchent du doigt.

 

Plus qu’une image

 Dans le silence

 En fait cela peut parler de tant de choses.

 

– Ben oui, tous les mots parlent de tout dans le même temps. Si tu les interprètes au moment où tu les lis, c’est parce que tu fais des liens probables, plus ou moins logiques. Mais n’importe quelle phrase dit la même chose que toutes les autres.

Tu te souviens, je te disais cela dans les débuts ?

 

– Oui, parce qu’il n’y a qu’une seule chose d’importante, et que tout y va. Tu disais : « C’est comme si on faisait des ronds dans l’eau, autour de cette chose pour en entendre quelque chose, et puis soudain on ne fait plus rien et c’est là. »

Plume d’Éveil – Des mots (14)

– Mais Ron, les mots n’ont-ils pas le pouvoir de proposer de nouvelles représentations du monde ?

 

– Non. Je n’essaie aucunement de définir ou d’expliquer ce qu’est le monde au travers de ma perception, je n’utilise le langage que pour apaiser les esprits.

Agiter un chiffon devant les yeux pour canaliser une attention dispersée, cela se passe entre le chiffon et les yeux, et ne concerne aucunement une représentation du monde.

D’ailleurs, tu auras sans doute remarqué que quelque chose de rusé est contenu dans mes mots… c’est l’impossibilité de les utiliser pour toute représentation.

 

 – Les mots ont deux pouvoirs contraires : endormir et éveiller. C’est tout ce que les mots savent faire. (Sourires)…

 

– Les mots sont ton pire ennemi (Sourire)…

 

– Non, il sont ennemis de ceux qui se reposent sur eux.

 

– Parler est donc un problème ?

 

– Dire ce qui est évident oui, cela témoigne d’une grande faiblesse.

Plume d’Éveil – Des mots (13)

– Les mots, il ne faut pas prendre d’habitude avec eux, ils y perdent leur vitalité, à force de répétitions ils ne désignent plus rien.

Si l’on écoute vraiment ce qui se dit, sans bouger, c’est un autre mot qui vient, en adéquation avec ce changement en nous.

C’est très vivant ça, et comme ce qui est vivant, c’est beau.

 

– Oui.

 

– (Sourire), il arrive aussi, qu’un mot que l’on utilisait sans rien voir de ce qu’il désigne, ou une part si infime, devienne tout à coup lumineux… c’est comme une résurrection, la forme n’a pas changé.

Plume d’Éveil – Des mots (12)

– Mais tu sais les os sont dans les oreilles, pas dans la langue.

 

– Tu dis que ce sont les oreilles qui n’entendent pas ?

Tu dis aussi que les mots ne peuvent pas ?

 

– Quels que soient les mots, si les oreilles ne veulent pas, ce n’est pas audible.

Cependant, nous devons dire parce qu’une nécessité nous le suggère, sans attente d’être entendu.

Être entendu ne nous concerne pas.

Là doit être notre défi véritable : la simplicité.

Nous devons la produire, non pour nous-mêmes, ni pour nos semblables, mais parce que le monde nous la réclame.

Une fois produite, elle ne nous appartient plus, c’est au monde d’en faire ce qu’il choisit.