– Je voulais parler de ces deux forces que l’autre fois j’ai appelées : deux énergies.
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– Oui.
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– Dans les circonstances présentes, je les ai senties se manifester autrement, d’un autre point de vue.
Douceur, patience, c’est l’effet de l’une.
L’autre j’ai du mal à la qualifier, au fond je crois que je refuse de la connaître. Ces deux « visages » entre autre je les sens en toi.
Patience et irritabilité.
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– Oui, mais ça se décline de bien d’autres façons.
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– Je pense qu’il s’agit de deux forces et qu’elles ne dépendent pas du mode de fonctionnement, elles sont de la conscience mais aussi de l’inconscient.
Il se trouve que si l’une d’elle est admise, acceptée, attendue, l’autre est cataloguée comme étant un dysfonctionnement.
Cet interdit fonctionne en moi, je ne la laisse pas s’exprimer dans de bonnes conditions.
Où je veux en venir ?
Au fait qu’il est possible que la force qui a si mauvaise presse, soit défigurée.
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– C’est que toujours une des deux forces paraît négative à notre esprit. D’ailleurs en physique, l’une est appelée positive et l’autre négative. C’est la tournure manichéenne de notre esprit qui ne sait pas faire autrement que de s’imaginer deux forces sans que l’une soit bonne et l’autre mauvaise. Mais il n’y en a pas de mauvaise, la mort autorise la vie.
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– Oui, mais écoute. Qu’est- ce-qui se passe quand cette force se manifeste ?
Aussitôt elle est refrénée, jugée par la personne même et par les autres qui ne veulent que des gentillesses.
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– Oui.
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– Et là je découvre que je ne connais pas cette force, que je ne sais pas faire avec et que ça complique rudement les choses parce qu’elle est là, puissante.
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– Que tu ne « saches » pas, je comprends ?
Mais que tu ne « connaisses pas », je ne comprends pas.
Toutes les forces sont là depuis le premier jour.
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– Avant le funambule et avant le fil tendu, avant la longue perche qui lui permet de faire l’équilibre, les deux forces sont là, immobiles, de chaque côté du fil.
Elles l’attendent, elles attendent qu’il bouge car sans lui, elles ne sont rien.
C’est par lui et son mouvement qu’elles vont se manifester.
C’est par lui aussi qu’elles vont « s’affronter », mais leur affrontement ne recherche que le mariage.
Donc, toute résistance et tout refus, toute crainte et toute émotion, toute méconnaissance et incompréhension viennent compliquer l’équilibre.
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– J’ai compris ça cet après-midi, je tourne autour depuis un moment et tes mots viennent confirmer la chose.
C’est donc en amont qu’il est possible de les laisser faire leur travail.
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– Si le funambule veut atteindre la condition nécessaire à son équilibre, il sait qu’il doit se présenter devant le vide, avec un vide aussi grand en lui, alors tout les éléments se marient, le vide du dehors et le vide du dedans.
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– Pourquoi parles-tu là avec le mot vide ?
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– Le vide signifie vacant, disponible, sans encombre, hors mouise, sans entrave, libre.